Le
18 décembre 1997, nous avons pu entendre à un concert du "Triptyque",
la création mondiale d'une oeuvre de Lucie Robert-Diessel sur un poème
d'Alain Suied: "Les ombres de Tübingen".
Il y a toujours eu entre la poésie d'Alain Suied et la musique de
Lucie Robert-Diessel, une profonde et secrète connivence; sa nouvelle
oeuvre nous en apporte une preuve supplémentaire, car elle est une
de ses plus belles réussites.
C'est~un "Opernstück", (c'est à-dire, littéralement, un
morceau d'opéra) en trois scènes, à deux personnages: Hölderlin,
poète romantique allemand, et une créature de rêve née de son imagination:
Diotima.
Un récitant relie les interventions des chanteurs qui personnifient
les deux personnages et situe l'action, ou plutôt le climat de l'opéra:
un climat fantastique où l'ombre, la forêt et le rêve -triade typiquement
germanique- entourent les personnages d'un halo irréel et hors du
temps.
La musique de Lucie Robert-Diessel accentue encore cette impression
fantasrnagorique. Le piano est à lui tout seul un orchestre aux sonorités
profondes, inquiétantes, parfois percutantes dans l'aigu. Le compositeur
utilise volontiers une écriture répétitive qui n'est nullement un
procédé, mais qui renforce l'impression d'hallucination que diffuse
un poème aux images étranges et oniriques, fort bien mis en valeur
par un récitatif mélodique qui favorise bien la compréhension du texte.
L'ensemble agit sur l'auditeur comme une sorte d'envoûtement que l'on
a peine à briser, une fois la dernière note envolée. Ajoutons que
l'oeuvre était fort bien servie par ses interprètes, dont la maîtrise
pianistique n'est plus à démontrer, était elle-même
au clavier